Un roman, c’est avant tout ses personnages. Et pour écrire un livre dont on est fier.e, il faut les avoir travaillés ! Si l’on veut envisager de chercher une maison d’édition et de viser la publication, nos personnages de roman doivent marquer les lecteurs.
En plus de laisser une forte impression, des personnages bien développés deviennent des outils redoutables. Explorer des thèmes profonds comme l’identité, la liberté, la famille, les relations, le deuil, la solitude, le rapport au corps… Tout cela devient possible quand on écrit des personnages crédibles et cohérents.
Dans mon processus d’écriture, inventer un personnage est ce qui me vient en premier ! Ensuite seulement, je les mets en lien et je tisse le fil d’une histoire qui va (je l’espère) retenir l’attention des lecteurs. Je vous propose donc trois exercices d’écriture qui approfondiront vos personnages.
Ce mois-ci j’ai eu la chance de participer à une résidence d’auteurs à l’école, avec le Centre National du Livre. Le principe : j’ai monté un projet d’ateliers d’écriture et de rencontre avec les enseignants d’un collège en Haute-Garonne. Le journal La Dépêche a justement fait un article sur notre partenariat.
Pendant 6 séances, des classes de cinquième ont pu poser leurs questions sur l’écriture, puis écrire avec une contrainte. Les élèves ont chacun.e inventé un personnage, et ont produit leurs textes comme si c’étaient des extraits de roman. Chaque atelier avait pour but de développer un aspect de cette caractérisation : ce sont les exercices que je vous propose aujourd’hui.
Exercice d’écriture 1 : « Show, don’t tell », appliquez ce conseil pour vos personnages
Vous avez sûrement déjà lu ce conseil : « show, don’t tell », ce qui signifie « montrez-le, ne le dites pas ». La première question que j’ai posée dans ces ateliers était : comment peut-on montrer les caractéristiques de ses personnages, sans les nommer ? Si votre personnage est courageux.se, lâche, cruel.le ou ambitieux.se, est-ce qu’il suffit de le préciser ?
Assez vite, les élèves ont trouvé des solutions adaptées : pour révéler l’esprit d’un personnage, il faut le mettre en situation. Ils ont imaginé des scènes d’action où les actes du personnage traduiraient son courage, sa lâcheté ou sa cruauté. Des dialogues où l’altruisme et l’égoïsme seraient montrés…
La consigne d’écriture que je leur ai donnée est la suivante : choisissez une caractéristique importante de votre personnage. Inventez une scène qui la révèle, et écrivez cette scène. Et vous, qu’auriez-vous écrit ?
Exercice d’écriture 2 : savoir montrer l’évolution d’un personnage.
La présence des personnages fait avancer le récit, mais le récit, lui, doit forger les personnages. Pourquoi raconterait-on leur histoire s’ils n’évoluaient pas ? Si vous voulez que vos livres aient un impact fort sur vos lecteur.ice.s, c’est ici que cela commence.
Avant de passer à l’atelier d’écriture, nous avons échangé ensemble sur les évolutions qui font le parcours d’un personnage. Certains passent de la lâcheté au courage, d’autres sont solitaires et se découvrent un esprit d’équipe. Parfois, le cheminement est plus complexe : le personnage perd quelque chose et évolue en mal, puis un événement lui permet de retrouver ses qualités, voire de les dépasser.
J’ai donné cette consigne d’écriture aux élèves : réfléchissez à l’évolution que connaîtra votre personnage dans son histoire. En une scène ou deux, montrez ces changements intérieurs. Tentez-le chez vous !
Exercice d’écriture 3 : apporter la question de la différence.
C’est un point commun à tous mes romans : les personnages principaux ont, ou ressentent, une différence qui les amène à se questionner sur leur identité. Pour moi, cette question de différence est essentielle. Lorsque j’écris, elle me permet de bousculer des idées reçues ou de donner une voix à celles et ceux qui sortent de la norme majoritaire.
Dans les Filles du Nord, Madison porte une mélancolie intense, des regrets qu’elle visualise sous la forme d’une ville imaginaire dans sa tête, les blessures laissées par l’homophobie qu’elle a subie.
Lana, l’héroïne de Citron, ne sait pas comment qualifier ce décalage qu’elle ressent, et oscille entre la fierté de sortir de la norme, et la solitude de ce sort.
Enfin, dans mon dernier roman, Apitoxine, les deux cousines Gwendoline et Maëlle confrontent les façons dont elles vivent la différence des autres. Gwendoline subit la grossophobie de son entourage et des autres élèves, et fuit la capitale où elle vit, tente de se faire toute petite. Quant à Maëlle, elle ne laisse pas le choix aux autres : elle est à prendre ou à laisser ; ce qui ne l’empêche pas d’en souffrir.
J’ai proposé aux élèves cette consigne d’écriture : votre personnage a une caractéristique qui le rend différent.e de la norme (même si d’autres peuvent partager cette caractéristique). Imaginez une scène qui lui permet d’évoquer cette différence et ses conséquences.
On a pu rappeler aussi l’importance du contexte : une caractéristique devient une « différence » si elle s’écarte d’une norme majoritaire, mais dans un autre contexte, peut faire du personnage quelqu’un « comme tout le monde »…
Au-delà des exercices d’écriture : différence et représentation
Autour de ce dernier exercice, et pour en parler avec les élèves, j’ai soulevé la question du lecteur : préférez-vous lire un personnage qui vous ressemble, ou différent de vous ? Lire un personnage qui nous ressemble nous permet de se sentir moins seul, d’être compris.e, d’imaginer notre évolution possible. Et rencontrer un personnage différent de nous, cela nous ouvre l’esprit, nous aide à comprendre ce que l’on n’a pas vécu, quelque chose que nos proches traversent.
Cette discussion nous a permis d’aborder la notion de représentation dans la littérature (et ailleurs). On a tous besoin de pouvoir s’identifier. Pour moi, il est super important de montrer de la queer joy, des personnages LGBTQ+, solitaires, grosses, hypersensibles… Parce que j’avais besoin de ces exemples en grandissant (et je ne les ai pas toujours eus !)
Et la représentation, ça me dépasse largement, ça nous touche tous.te.s et il faut en avoir conscience, j’en suis certaine. Parler de représentation et de différence, ça m’a interpelée pour la première fois quand j’ai découvert le roman de Laura Nsafou, Nos Jours Brûlés : parce que c’était le premier roman fantasy francophone avec une héroïne noire. Ce n’est qu’en lisant les réactions des blogueuses noires et racisées que j’ai réalisé ça : moi, je n’avais jamais manqué de cette représentation, elles, si. L’autrice a un blog passionnant que je vous conseille. Et si vous n’êtes pas convaincu.e.s de l’importance de la représentation, le travail de la blogueuse la Booktillaise, et son livre « Manifeste d’une lectrice en colère » valent le détour.
Personnellement, j’apprécie particulièrement les romans own-voice : c’est-à-dire que l’auteur.ice met en scène un personnage dont iel partage les problématiques. Je prends tellement plaisir à ces lectures (qui sont tellement plus authentiques et m’aident à partager d’autres points de vue) que depuis cette année, un de mes objectifs est de choisir plus de livres dont les auteur.ice.s ne me ressemblent pas. J’aurai l’occasion de vous en reparler, mais en ce début d’année, je vais de coup de coeur en coup de coeur. Pour ça, ce sont mes rencontres sur les réseaux sociaux qui me l’ont appris.
Et vous, vous cherchez des personnages qui vous ressemblent, ou qui vous donnent une autre perspective ?
Tenterez-vous ces exercices d’écriture ? Comment construisez-vous vos personnages ?
Et si vous voulez qu’on fasse ce bout de chemin ensemble… Invitez-moi !