Ne vous méprenez pas : je n’ai pas de formule magique pour liquider le syndrome de l’imposteur. Douter de moi-même a été une habitude bien ancrée, et on ne s’en débarrasse pas si facilement. Cela dit, j’ai décidé de changer de question. Au lieu de me dire : « je dois travailler sur moi et me sentir légitime », j’essaie de me demander plutôt : « qu’est-ce que la légitimité vient faire dans ce contexte ? ». Si votre syndrome de l’imposteur vous empêche d’avancer, je vous invite à explorer ensemble cette remise en question.
Syndrome de l’imposteur : mon esprit ment
Parfois, la question de la légitimité semble vite réglée. Dans certains métiers et pour certaines tâches de la vie, passer un diplôme ou un examen est obligatoire. C’est la même chose pour les achats et les possessions : une fois que l’on a payé le prix, quelque chose nous appartient.
Mais comment trouver une légitimité objective quand il s’agit de métiers où la réussite est quelque chose de subjectif ? De tâches qui ne se mesurent pas avec une quantité ? Quand on ne parle pas de possessions matérielles mais de chance, d’influence, d’impact, d’expériences ?
Je pensais, au début, qu’il y avait toujours un moyen de mesurer sa légitimité, mais que la mesure changeait simplement d’un cas à l’autre. Par exemple : un diplôme pour être enseignant.e, un livre publié pour être écrivain.e.
Puis j’ai réalisé que le syndrome de l’imposteur, lui, ne prend pas la peine de vérifier vos diplômes avant de s’installer. Dans son Ted Talk, Amy Cuddy raconte comment cette sensation de ne pas être légitime l’a suivie toutes ses études. Même quand elle enseignait les neurosciences à Harvard, elle se sentait un imposteur. Et moi-même, avec tout le bien que l’on m’a dit de mes romans, je reste souvent persuadée que ce que j’écris sera fatalement mauvais.
Le syndrome de l’imposteur ne tient pas compte de vos réussites ni de vos qualités, qu’elles soient objectives ou subjectives. Le doute et le manque de confiance s’installent en dépit de la réalité : c’est votre esprit qui vous ment.
Ce qui n’aide pas à passer au-dessus du syndrome de l’imposteur
Quand on est confronté au syndrome de l’imposteur, et surtout avant de commencer un projet nouveau, on a souvent les mêmes réflexes. On peut avoir recours à la procrastination et se dire que l’on commencera plus tard, que l’on attendra d’être prêt. On peut aussi se donner des objectifs et des conditions : je le ferai quand j’aurai tel diplôme, je serai légitime quand j’aurai surmonté tel obstacle. C’est une forme de négociation avec soi-même, et je pense que ça n’aide pas.
Quand je discute avec des personnes qui ont des projets atypiques (et souvent super cool), un élément revient souvent : l’envie de se former. Je trouve qu’avoir envie d’apprendre tout au long de sa vie, c’est génial. Et c’est absolument nécessaire pour continuer à apprendre, développer ses compétences…
Sauf que parfois, j’entends : « je voudrais donner des cours ou proposer un service, mais comme je n’ai pas de formation, je ne me sens pas légitime ». Les personnes qui me le disent ont déjà une connaissance suffisante de ce qu’elles proposent, mais elles hésitent. Elles ont peur d’être imparfaites, et repoussent le moment de se planter, à coups de « je vais mieux me préparer ».
Négocier avec le syndrome de l’imposteur, jouer la montre pour gagner du temps, cela ne l’apaise pas… Pour moi, c’est au contraire ce qui va lui donner de la force.
Balancer la question de la légitimité, et le syndrome de l’imposteur avec
Je reviens à l’histoire d’Amy Cuddy. Avant son premier cours à Harvard en tant qu’enseignante-chercheuse, elle panique et veut abandonner. Sa responsable à l’époque refuse son départ, et lui dit de ne pas tenir compte de ses doutes : « Fake it until you make it ». Des années plus tard, quand une étudiante lui a avoué tous ses doutes avant une présentation, elle a réalisé que son sentiment d’imposture était parti. Et elle a tenu à cette étudiante le même discours : fais semblant d’être à ta place, jusqu’à ce que tu sois à ta place.
En me décentrant de moi-même, j’ai regardé ce que faisaient les autres, comment ils géraient ce sentiment d’imposture. Et j’ai réalisé deux choses : il y a celles et ceux qui, comme moi, doutent de tout ce qu’ils et elles font. Et il y a celles et ceux qui… se permettent de faire des choses pour lesquelles ils ou elles n’ont ni qualification ni légitimité ! Si, si, il y en a plein. Je ne veux pas balancer, alors je me contenterai de dire : ouvrez les yeux et regardez autour de vous, vous les verrez bien vite.
Et qu’est-ce qui est le plus grave ? Se lancer dans un projet pour lequel on n’est pas tout à fait prêt.e, dans lequel on fera des erreurs ? Ou rester en retrait, douter de ce que l’on sait parfaitement faire, jusqu’à ce que quelqu’un d’autre prenne cette place et le fasse moins bien ? La réponse n’est pas toujours évidente.
Personnellement, pour avancer, j’ai décidé d’ignorer totalement la question de la légitimité. Quand je décide de me lancer dans quelque chose de nouveau – par exemple, animer un blog sur l’écriture et proposer des beta-lectures professionnelles – je ne me demande plus si je suis « légitime » à le faire. Je me demande plutôt : est-ce que j’ai quelque chose à apporter ? Envie de le faire ? Saurai-je apprendre de mes erreurs ?
Bien sûr, c’est essentiel de se montrer critique envers soi-même et sa pratique, d’être ouvert.e aux retours des autres. J’écoute ces voix, intérieures et extérieures, qui me conseillent de m’améliorer. Mais je n’écoute plus cette notion de légitimité. Le syndrome de l’imposteur ne s’en va pas en claquant des doigts, ni en lui criant de partir. Parfois, il faut surtout l’ignorer – et dans ce cas, peu importe qu’il parte ou qu’il reste.
J’ai eu beaucoup de retours suite à cet article et je vous en remercie chaleureusement <3.
Juste après avoir écrit cet article, j'ai lu le formidable "Un livre pour faire la différence" de Elodie-Aude Arnolin (https://labooktillaise.wordpress.com/)
Et il m’a donné à réfléchir. Je voudrais ajouter à tout cela : enlever la légitimité de l’équation, ce n’est pas (surtout pas) enlever l’humilité, l’écoute, l’ouverture à la critique, etc etc.
Notamment, en écriture, mettre en scène des personnages dont l’expérience de vie a été très éloignée de la nôtre est assez délicat. Et s’il n’y a pas à « se prouver légitime » pour écrire sur un sujet ou un autre, il y a quand même une attitude d’apprentissage, une démarche d’ouverture d’esprit et de consultation auprès de personnes plus concernées que soi, qui s’impose, je trouve 🙂 .
Le manifeste en question, témoignage d’Elodie-Aude Arnolin + recueil de ressources et de réflexions bien étayées, est excellent pour réfléchir en ce sens.
Voilà pour mon addition ^^